Gros Nez
Lorsqu'un poulain vient au monde, son naisseur passe souvent par tous les affres du doutes et de la recherche pour lui trouver le nom parfait.
Il a bien tort, ce pauvre éleveur de se fatiguer de la sorte; le nom si précieux ne sera selon toutes probabilités presque jamais utilisé. En effet, il existe une loi mystérieuse et ancestrale qui pousse les cavaliers a affubler leur chevaux de toutes sortes de surnoms ridicules, aussi affectueux qu'ils sont laids. On y peut rien, c'est une force divine quasi cosmique qui nous y conduit tous, fatalement.
Espoir du Rancho, c'est un nom qui m'a tout d'abord rebuté. Je n'en aimais pas la sonorité et trouvais grotesque l'association des termes: Espoir et Rancho accolés, c'est un peu la grande rencontre de deux clichés éculés au pays merveilleux du kitsch. Quel dommage qu'un si bel animal soit affublé d'un nom pareil!
Aujourd'hui, le temps aidant, ça ne me choque plus. J'appelle la bête Espoir ou Rancho, presque indifféremment.
Mais son petit nom, le sobriquet tendre et ignoble qui le désignera toujours immanquablement pour moi, c'est Gros-nez. Il n'est pas spécialement gros pourtant, ce nez, mais il est très mobile, joliment marqué de blanc... 'est un surnom qui est venu comme une plaisanterie, un carambolage entre "poney" et "gros nain" destiné à faire sourire, mais finalement il est resté.
Ça étonne souvent, quand on m'entend appeler joyeusement mon si joli petit cheval: "Gros-nez!"
Mais on est bête, très bête, quand on aime.